Tout propos explicatif a une dimension schématique qui peut virer au manichéisme (une hérésie, aïe).
Bien sûr qu’il reste possible à des couples de pasteurs de faire de leur famille un lieu non cerclé, de ne pas se faire encercler par leur famille. Bien sûr que des non célibataires peuvent donner le meilleur d’eux-mêmes avec un sens de l’universel (et qui plus est sans même être chrétien ni croyants en quoi que ce soit). Et a contrario, on ne voit pas que dans les épidémies ni les tragédies politiques, il n’y ait eu que des héros parmi les clercs célibataires. Mais je pense que en moyenne sur plusieurs siècles et des millions de personnes, c’est plus difficile de tenir les deux bouts de l’engagement, celui de défendre ses proches et celui de défendre tout le monde. Enfin la question du devenir des enfants est vraiment délicate et il n’est parfois pas simple d’être enfants de pasteurs.
Mais étant donné la diversité actuelle des chrétientés, il me semble qu’une des originalités du catholicisme est de tenter de dégager un groupe de gens ordonnés à Dieu de façon plus structurelle. Le paradoxe de ma position est que je défends d’autant plus que la chrétienté est diverse, donc qu’elle en passe ou non par l’existence du prêtre. Je ne suis pas sûr que j’aurais soutenu le célibat des prêtres dans une forme de chrétienté dominante ou unique.
Au demeurant, je ne crois pas que comparer prêtres et pasteurs ait un sens car je ne crois pas que les réformés (malgré la difficulté de définir un terme porté par tant de sensibilités diverses et tenant farouchement par définition à leur indépendance) fassent du pasteur un prêtre amélioré. C’est vraiment une autre façon d’organiser la communauté chrétienne et le rapport à la foi et s’il n’en était pas ainsi, la fêlure serait depuis longtemps réparée.
Il appartient aux laïcs catholiques de savoir s’ils veulent garder cette originalité qu’est la prêtrise; la crise des vocations montre sans doute que trop peu de familles catholiques ont transmis à leurs enfants la volonté d’être prêtres. Et dans ce cas, Vatican ou pas, théologie ou pas, le prêtre aura vécu. C’est pourquoi au delà des démonstrations théologiques, la légitimité de la non-ordination des femmes me semble structurellement liée à la définition du prêtre, elle n’en est pas pour moi une des conditions possibles d’exercice. Mais je préférerai qu’on donne des raisons autrement plus lourdes que la non identification de la femme à Jésus. Car cet argument fait du prêtre un autre Jésus, ce que je ne conçois pas.
